"Aujourd'hui tout nous parle d'humus, comme s'il n'importait plus - notamment dans la peinture - une fois atteint le degré d'égale putrescence de régimes sociaux antagonistes qui accentue la menace d'extinction planant sur l'humanité, que d'espérer surprendre et isoler le ferment ou l'élixir grâce auquel la pâte cosmique lève á nouveau, nous restituant le goût pur et simple de la vie. Le prodigieux sursaut de Budapest, par-delá l'expression manifeste on ne peut plus exaltante qu'il a trouvée dans le numéro spécial de Irodalmi Újság du 2 novembre 1956, sur lequel le poème de Gyula Illyés: "Les Augures de la Tyrannie", flambe comme un étendard, nous rend avides de savoir de quoi cette liberté resurgie á l'état naissant a pu être pétrie.
On a la chance de le découvrir dans l'œuvre de Rozsda, accomplie clandestinement au cours de ces dernières années: la bonne fortune a voulu qu'elle pût le suivre dans son exil. Voici le haut exemple de ce qu'il fallait cacher si l'on voulait subsister, mais aussi de ce qu'il fallait arracher de nécessité intérieure á la pire des contraintes. Ici se mesurent les forces de la mort et de l'amour: la plus irrésistible échappée se cherche de toutes parts sous le magme des feuilles virées au noir et des ailes détruites, afin que la nature et l'esprit se rénovent par le plus luxueux des sacrifices, celui que pour naître exige le printemps."
André BRETON - 1957 - texte d'introduction de l'exposition d'Endre Rozsda á la Galerie Furstenberg, publié dans A. Breton: "Le Surréalisme et la Peinture", Ed. Gallimard 1965.