La peinture d’Istvàn Nàdler, intitulée Jaune fut présentée pour la première fois au public le 15 mars 1970 (année de sa création). L’ à propos était l’exposition commune de Nàdler et de György Jovànovics, scuplteur. « Suivant la conception fondamentale bien connue de la politique culturelle de l’époque, nous, les « Iparterviens » [ artistes ayant participé aux expositions Iparterv ] étions à cheval entre la catégorie des « interdits » et des « tolérés » (deux des trois catégories nommées les « Trois T » – se référant à Tiltott, Tűrt, Tàmogatott | Interdit, Toléré, Encouragé). Cela signifiait que nous pouvions uniquement exposer nos œuvres dans une vieille salle délabrée d’une galerie située à l’étage, petite salle de forme pentagone séparée du reste par des paravents – la Salle Fényes Adolf, rue Ràkòczi. En plus, nous devions payer la gardienne, les invitations, l’électricité et tous les autres frais. C’était une forme d’humiliation, puisque les artistes « officiels » avaient droit à tout cela au Műcsarnok ou n’importe où gratuitement », se rappelle Jovànovics (« A ‘patafizikus màsodik legjobb műve », in: Magyar Narancs 1999/16.).
Cette exposition était donc un évènement en soi pour la scène non-officielle, mais le vernissage allait être une œuvre en soi, première « œuvre ’Pataphysique » de Jovànovics, transformant cet évènement en un moment mémorable de l’histoire de l’art contemporain hongrois de la deuxième moitié du XXème siècle (selon l’Artiste Miklòs Erdély, par cette œuvre, l’art hongrois avait (de nouveau selon Jovànovics) rattrapé le niveau global).
La première photo représente le moment où, dans les cadres du vernissage, la radio – mise en marche par Jànos Frank qui devait inaugurer l’exposition – diffuse l’émission d’informations « Esti Krónika » de la chaîne radio la plus populaire à l’époque (Kossuth Rádió) avec 6 millions d’auditeurs pour l’émission. Suite au fameux signal et aux actualités du jour (déjà entendues plusieurs fois le jour même), les deux présentateurs, bien connus par le petit public présent, font mention du vernissage des deux artistes, dont « l’exposition ouvre à ce moment même », décrivent en detail l’exposition, les œuvres, puis demandent á M. Frank de bien vouloir éteindre la radio – l’émission continuait. La stupeur du public est bien visible sur la photo, puisque personne n’en croyait à ses oreilles pour des raisons bien évidentes. Beaucoup ont cependant cru jusqu’à la fin des années ’90 que la diffusion était en direct (Jovànovics n’a révélé son secret qu’en ’99), mais en réalité, il s’agissait d’un coup monté et prémédité des mois à l’avance, faits qui rendent cet ensemble encore bien plus précieux, une œuvre d’art.
La documentation sonore et les photos ont récemment figuré au Musée Ludwig de Budapest, dans les cadres de l’exposition La liberté du son. John Cage derrière le rideau de fer (Ludwig Mùzeum, Budapest, 23 novembre 2012 – 17 février 2013). La documentation se trouve chez Artpool.